“Revenir sur l(eur)’histoire. Écriture des autrices autochtones du Québec francophone”
James M Flaherty Research Scholarship 2019/2020 Visit Report
(English version here)
Titre du projet:
Revenir sur l(eur)’histoire. Écriture des autrices autochtones du Québec francophone
Chercheuse: Dr Julie Rodgers
Institution de rattachement: Maynooth University
Institution d’accueil: Université de Sherbrooke
Période: du 21 octobre au 29 novembre 2019
Contexte:
Je suis arrivée au Québec le 19 octobre 2019 pour y démarrer ma recherche sur l’écriture des femmes autochtones du Québec francophone le 21 octobre. Mon travail universitaire porte sur la littérature des autrices québécoises depuis mes études doctorales à Trinity College Dublin (terminées en 2008), mais je ne connaissais pas encore le champ de la littérature autochtone francophone du Québec, et la bourse Flaherty m’a offert la possibilité d’explorer ce champ d’étude d’une importance capitale. Pendant toute la durée de mon séjour, j’ai été accueillie par l’Université de Sherbrooke, qui se situe en territoire abénaquis. J’ai choisi cette institution car elle compte une communauté établie de chercheur·se·s travaillant sur des questions relatives aux études autochtones. Je savais par ailleurs que cette université avait commencé à proposer des cours d’introduction à la fois à la langue et à la culture abénaquises. Un autre critère important dans le choix de cette institution d’accueil a été la force des liens déjà existants entre mon lieu de travail (Maynooth University) et l’Université de Sherbrooke, établis grâce au programme d’échange Flaherty en 2018. Cette année-là, Maynooth University a en effet eu le plaisir d’accueillir Dr Marc Fortin et de profiter de ses connaissances en matière d’écocritique et de littérature autochtone du Canada, alors qu’il menait son propre projet de recherche autour de thématiques similaires en Irlande. Forte du succès de cet échange universitaire, une nouvelle direction a progressivement émergé dans mon travail sur la littérature du Québec francophone et, grâce à une bourse du programme Flaherty en 2019, j’ai été en mesure d’avancer considérablement ma recherche en me rendant à l’Université de Sherbrooke, où j’ai pu bénéficier de connaissances et de documents auxquels je n’aurais pas eu accès en temps normal en Irlande. Lors de mon séjour au Québec, deux évènements majeurs, essentiels à ma recherche, ont eu lieu : d’une part le « Salon du livre des Premières Nations », qui s’est déroulé du 14 au 17 novembre, et d’autre part l’intensification des manifestations Wet’suwet’en que j’ai pu, sur place, suivre de près. Une des autrices que j’avais précisément retenue pour mon projet de recherche, Natasha Kanapé Fontaine, a été une voix pour les droits autochtones très médiatisée tout au long de la crise, et j’ai pu collecter dans les médias une impressionnante quantité de ressources que je peux désormais utiliser dans mon analyse de son travail. Enfin, pendant ma résidence à l’Université de Sherbooke, j’ai également pu assister tout près, à la Bishop’s University, à des séminaires de littérature organisés par la Professeure Linda Morra, anciennement titulaire de la chaire Craig Dobbin, et recevant régulièrement des écrivain·e·s invité·e·s.
Sujet de recherche:
La mémoire se transmet par le sang. Mémoire écorchée, démembrée, violée. Mémoire effacée de la conscience du peuple. Un grand vide se creuse d’une génération à l’autre. Lorsque le récit n’est pas raconté, il y a privation. Manque.
Natasha Kanapé Fonataine,
‘Prologue’, Nanimissuat Ile-tonnere (2018)
Mon projet portait sur la situation des femmes autochtones au Québec, la longue histoire politique et culturelle de l’oppression, du patriarcat et de la colonisation, et l’absence puis l’émergence d’écrits et de publications de femmes autochtones au Québec et en France. Les écrivaines sur lesquelles je me suis concentrée sont Natasha Kanapé Fontaine, Joséphine Bacon et Naomi Fontaine. Les thèmes et les sujets qui m’ont occupée sont les suivants : manières de vivre et de s’attacher à la terre, transmission culturelle et linguistique, importance des générations et des ancêtres, systèmes de domination et d’asservissement, voix réduites au silence et effacées. Dans tous les textes que j’ai étudiés, l’écriture est clairement apparue comme représentant un moyen de négocier et de surmonter la sensation de déplacement et d’éloignement de son territoire comme de sa propre H/histoire. De plus, il est intéressant de noter que poésie et performance poétique s’imposent comme constituant le genre de prédilection quand il s’agit d’exprimer et d’explorer les expériences vécues par les femmes autochtones. Un autre angle de mon travail a été d’interroger la relation de ces écrivaines autochtones au français, leur décision la plupart du temps de l’utiliser plutôt que d’écrire dans une langue autochtone, et la manière dont elles se positionnent en termes d’identité québécoise. Une des principales conclusions de ce projet repose dans le constat que l’écriture des autrices autochtones du Québec francophone est malheureusement un champ littéraire toujours aussi marginalisé et peu (re)connu. Pourtant, du fait des tensions permanentes entre colons et peuples premiers et de la résistance des structures coloniales et patriarcales (qui se manifeste par des niveaux disproportionnés de violence à l’égard des femmes autochtones), il est crucial que la communauté scientifique donne à ces voix l’attention qu’elles méritent, dans le but de mieux en comprendre les enjeux et le besoin urgent d’une véritable réconciliation. Pour poursuivre ma recherche, j’aimerais étendre mon corpus aux textes de Rita Mestokosho et de Marie-Andrée Gill.
Futures Collaborations:
Nombreux seront les futurs événements et collaborations issus de cette très fructueuse visite de recherche permise par la bourse Flaherty. Malheureusement, beaucoup ont dû être reportés en raison de l’épidémie de Covid-19, mais nous espérons pouvoir les ré-organiser quand la situation le permettra. En premier lieu, la Professeure Patricia Godbout m’avait invitée à revenir à l’Université de Sherbrooke en mars afin de présenter mon travail au Centre Anne Hébert (présentation reportée à octobre 2020). En second lieu, j’avais obtenu que Natasha Kanapé Fontaine intervienne lors du Franco-Irish Literary festival de Dublin début avril (reporté à mars 2021). Natasha Kanapé Fontaine aurait également donné un séminaire aux étudiant·e·s de littéraire québécoise à Maynooth University en avril de cette année (intervention reportée à mars 2021). En troisième lieu, je devais présenter ma recherche à la biennale de l’ACSI (Association des études canadiennes en Irlande) lors de son colloque à Belfast en mai 2020 (reporté en septembre 2020 si possible, sinon plus tard). En août 2020, je prévois de lancer un appel à contributions pour le volume spécial d’un journal, qui serait dédié à l’écriture des autrices autochtones du Québec francophone, co-dirigé avec des collègues de l’Université de Sherbrooke, et qui pourrait paraître fin 2021/début 2022. Enfin je compte, à partir de septembre 2020, inclure des auteur·rice·s autochtones dans le cours sur la littérature québécoise que je donne aux étudiant·e·s de Licence à Maynooth University.
Je tiens à remercier très sincèrement l’ICUF et la bourse Flaherty pour m’avoir offert cette merveilleuse opportunité de développer ma recherche sur la littérature québécoise dans une toute nouvelle direction. Je me réjouis d’ores et déjà de poursuivre et d’approfondir ce travail à l’avenir.